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Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/94

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Histoire des États

Trois ou quatre jours après cette bataille de Samonguer, Aureng-Zebe avec Morad-Bakche s’en vint droit à la porte de la Ville dans un jardin qui peut être à une petite lieuë de la fortereſſe, & envoya de là un Eunuque habile, & de ceux dont il étoit le plus aſſeuré, vers Chah-Jehan, le ſaluer de ſa part avec mille belles proteſtations d’affection & de ſoumiſſion, qu’il étoit extrémement faché de ce qui s’étoit paſſé, & d’avoir été obligé pour l’ambition & pour les mauvais deſſeins de Dara d’en venir à toutes ces extrémitez ; qu’au reſte il avoit une extréme joye d’apprendre qu’il commençoit à ſe mieux porter, & qu’il n’étoit là que pour recevoir ſes commandemens. Chah-Jehan ne manqua pas de témoigner beaucoup de ſatisfaction à l’Eunuque ſur le procedé d’Aureng-Zebe, & de recevoir les ſoumiſſions de ce fils avec toutes les apparences poſſibles de joye, quoi qu’il vit bien qu’on avoit pouſſé les chofes trop loin, & qu’il connût bien l’humeur cachée & ruſée d’Aureng-Zebe, & la paſſion ſecrete qu’il avoit de regner, & qu’ainſi il ne falloit guere ſe fier en lui ni en ſes belles paroles ; & cependant avec tout cela il ſe va laiſſer