Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/115

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de retourner auprès de toi, lorsque toute souffrance et toute rancune auraient été vaincues. Alors « l’Asile » pourrait encore devenir une vérité. Peut-être que j’aurai même besoin de soins. Ils ne me manqueront sans doute pas. Peut-être — un matin, tu arriverais pourtant encore, par le cabinet de travail tendu de vert, jusqu’à mon lit, pour recevoir dans ton embrassement, mon âme, avec un dernier baiser d’adieu. … Et mon journal se terminerait ainsi comme il a débuté. Oui, mon enfant ! que ce journal soit clos là-dessus ! Il te représente mes souffrances, mon ascension, mes luttes, mon jugement sur le monde et, surtout, mon éternel amour pour toi ! Accepte-le avec bienveillance et pardonne-moi s’il rouvre parfois une blessure…

Maintenant je retourne à Tristan, afin que, par son intermédiaire, l’art profond du silence sonore te parle en mon nom. La solitude et la retraite dans laquelle je vis me raniment ; j’y rassemble mes forces douloureusement éparpillées. Déjà, depuis quelque temps, beaucoup mieux qu’auparavant, je puis apprécier le bienfait d’un sommeil profond et calme pendant la nuit : je voudrais pouvoir le donner à tous ! Je veux en jouir jusqu’à ce que mon œuvre prodigieuse soit mûrie et terminée. Alors seulement je verrai quelle mine me fera le monde. Le grand-duc de Bade, par ses dé-

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