Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

par le silencieux Grand Canal jusqu’à mon austère palais. La lampe brûle. Tout, autour de moi, est si tranquille et grave. Et en moi la certitude absolue, indubitable, que tout cela est mon monde, dont je ne pourrai plus me séparer sans douleur et sans illusion. Je m’y sens heureux. Les serviteurs me trouvent souvent dans les dispositions d’esprit les plus joyeuses : alors je plaisante avec eux. —

Le choix de mes lectures est aussi fort limité ; peu de livres me séduisent. J’en reviens toujours à mon Schopenhauer, qui m’a conduit, comme je le disais récemment, au plus merveilleux enchaînement d’idées, pour corriger nombre de ses imperfections. Le thème devient de jour en jour plus intéressant, parce qu’il s’agit ici d’éclaircissements, que personne, excepté moi, ne peut fournir. En effet il n’y a pas encore eu d’homme qui fût à la fois poëte et musicien au même sens que moi, et je puis, par là, donner un aperçu des événements intérieurs, qu’on ne peut attendre d’aucun autre. —

Je voulais aussi lire les lettres de Humboldt à une amie ; seulement je ne possède que le petit volume d’Elise Mayer sur Humboldt avec des extraits de lui. Je l’ai abandonné sans être satisfait : le meilleur en était, évidemment, ce que mon amie y avait déjà cueilli pour moi. Quiconque connaît complètement Humboldt verra dans le savant et le chercheur scientifique une

— 113 —