Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/80

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heur. Je te comprends — même quand je te donne quelque peu tort : car, en mon for intérieur, je tiens pour injuste tout ce qu’il me faut considérer comme moyen de défense contre une éventuelle importunité de ma part. Je croyais cependant avoir prouvé par mon départ de Zurich — de si horrible mémoire — que j’étais capable de céder et que, dès lors, j’avais le droit de ressentir le moindre doute sur ma tendresse résignée comme une grave et imméritée blessure. Mais à quoi bon tout cela encore ? — La sublime beauté de mon état d’âme était abattue ; il lui faut maintenant péniblement se redresser. Pardonne-moi si je suis encore chancelant ! — Je recouvrerai la sérénité — tant bien que mal. Sous peu j’écrirai à Madame Wille ; mais, aussi dans les lettres que je lui adresserai, je suis décidé à faire preuve de modération. Dieu ! tout est également difficile et le but suprême ne peut être atteint que si je reste modéré ! Oui ! tout est bien et tout ira bien. Notre amour domine tous les obstacles et chaque difficulté nous rend plus riches, plus proches de la spiritualité, plus nobles, plus tournés vers le fond, l’essence même de cet amour qui fortifie notre indifférence pour le non-essentiel. Oui, créature bonne, pure et belle, nous vaincrons ; — nous sommes déjà en pleine victoire !

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