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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/102

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de félicitations, de jubilation arrivèrent : je n’ai répondu à aucun. Qui me comprendrait, si je lui disais que par là même un nouveau champ de douleur m’est ouvert, de douleur qui remporte sûrement sur toute possibilité de satisfaction quelconque, au point que je ne prévois que des sacrifices de ma part ? Quiconque par hasard m’approche de très près semble comprendre cela tout à coup ; mais ce n’est qu’un éclair de compréhension : à peine le dos tourné, il se dit finalement que c’est de l’affectation ! Et ce sont encore là les meilleurs ! Qu’est-ce donc que les autres ?… Pouah ! —

Cependant j’ai un ami qui me devient toujours de plus en plus cher. C’est mon vieux Schopenhauer, si grognon d’apparence, et pourtant si profondément aimant ! Lorsque je suis arrivé au paroxysme de la sensibilité, quel réconfort absolument unique, en ouvrant ce livre, de me retrouver tout à coup entièrement, de me voir si bien compris et si clairement exprimé, seulement dans un langage tout autre, qui rapidement fait de la douleur un objet de la connaissance, et qui, de la sensibilité, transpose tout dans la froide, marmoréenne et consolante intelligence, mais dans l’intelligence qui, en même temps qu’elle me découvre à moi-même, me découvre le monde entier ! C’est une action réciproque, merveilleuse, un échange de la plus bienfaisante espèce ; et toujours cette action est