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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/106

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dans sa réincarnation, Elsa de même atteindrait à la hauteur de Lohengrin. C’est pourquoi le plan de mes Vainqueurs me paraît être la suite et la conclusion de Lohengrin. Ici Savitri (Elsa) atteint absolument à la hauteur d’Ananda. Tout l’effroyable tragique de la vie se réduirait donc au fait d’être séparés les uns des autres dans le temps et dans l’espace ; mais, puisque le temps et l’espace ne sont que des manières de voir à nous, et n’ont d’ailleurs aucune réalité, aux yeux du parfait clairvoyant la douleur la plus tragique devrait s’expliquer uniquement par l’erreur de l’individu : je crois qu’il en est ainsi ! Et, en toute vérité, il ne s’agit que de la pureté et de la noblesse, qui, par elles-mêmes, sont exemptes de douleur.

Je ne puis vous écrire rien d’autre que de pareils bavardages ; cela seul en vaut la peine ! Et avec vous seulement je bavarde volontiers sur de pareilles choses ! Alors disparaissent le temps et l’espace, qui ne contiennent vraiment rien que tourment et détresse !… Mais, hélas ! combien rarement suis-je disposé à bavarder ainsi !…

Tristan est et reste pour moi un miracle ! Comment ai-je pu faire quelque chose de semblable, je le comprends de moins en moins : en relisant, il me faut rester bouche bée ! Combien terriblement je devrai pâtir un jour de cette œuvre, si je veux me la faire exécuter