Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/107

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entièrement, telle qu’elle est ! Très clairement, je prévois les souffrances les plus inouïes, car je ne me dissimule pas que j’ai surpassé de beaucoup en l’écrivant toutes nos réalisations possibles : les interprètes merveilleux, les interprètes de génie, les seuls qui seraient à hauteur de la tâche, apparaissent en ce monde si rarement ! Et cependant je ne puis résister à la tentation : si j’entendais seulement l’orchestre ! ! —

Parzival s’est réveillé en moi très vivement ; j’y vois de plus en plus clair ; quand tout sera mûr en moi, l’exécution de ce poëme deviendra pour moi un plaisir inouï. Mais d’ici là peuvent encore s’écouler pas mal d’années ! Aussi je voudrais beaucoup m’en tenir uniquement au poëme. Je l’écarté aussi longtemps que je peux et ne m’en occupe que lorsqu’il me vient irrésistiblement ! Alors ce merveilleux progrès de l’enfantement me fait oublier toute ma misère… Bavarderai-je un peu là-dessus ? Vous ai-je déjà dit que la messagère fabuleusement sauvage du Graal ne doit faire qu’un avec la séductrice du deuxième acte ? Depuis que cette idée s’est levée en moi, je me sens maître de presque toute ma matière. Cette merveilleuse, cette horrible créature qui sert les chevaliers du Graal avec le zèle d’une esclave infatigable, s’acquitte des besognes les plus inouïes, reste couchée dans un coin, attendant quelque mission d’une difficulté extra-