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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/15

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science de cela m’est si familière, que souvent c’est à peine si je me demande, avec un sourire : « veux-je ou ne veux-je point ? » C’est l’étrange génie que je sers pour le restant de ma vie qui règne en maître ici, et celui-là veut que j’achève ce que moi seul suis capable d’achever.

Ainsi un calme profond est en moi : le jeu des vagues à la surface n’a rien à faire avec mon for intérieur… Je suis ce que je puis être !… Grâce à vous, mon amie !…

Que direz-vous maintenant en apprenant que je suis déjà plongé dans le travail jusqu’au cou ?…

Le jeune homme[1] qui a fait la traduction de Tannhäuser, m’a donné celle-ci à lire. Après une première lecture rapide, je la laissai tomber, en disant : « C’est impossible ! » Du même coup, je secouais une pensée qui m’opprimait, celle d’un Tannhäuser français, et je respirais. Mais ceci n’était que ma personne à moi ; l’autre, mon démon — mon génie ? — me chuchota : « Tu vois l’impossibilité pour un Français, et, d’ailleurs, quel qu’il soit, de traduire ton poème ! En conséquence, tu vas interdire tout uniment la représentation de ton œuvre en France ! Qu’arrivera-t-il, cependant, quand, après ta mort, tes œuvres commenceront réel-

  1. Charles Nuitter. — Wagner, dans une lettre à Otto Wesendonk, l’appelle « un aspirant à des succès de vaudeville ». (Lettre du 5 Octobre 1859.)