Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/16

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lement à vivre ? On pourra naturellement se passer de ta permission et on représentera Tannhäuser d’après une traduction semblable à celle que tu tenais à la main, il y a un moment, et telle qu’on en fait des plus nobles poèmes allemands (Faust, par exemple), sans y comprendre goutte ! » Hélas ! mon enfant, pareille immortalité en expectative est un démon tout spécial ; il nous apporte les mêmes soucis qui lient père et mère à leurs enfants pour plus longtemps que leur propre vie. Moi seul, je puis contribuer à une traduction parfaite de mes œuvres : c’est donc là un devoir que je ne puis décliner. Ce qui fait que, tous les matins, je revois le travail avec mon jeune poëte, vers par vers, mot par mot, oui, syllabe par syllabe. Je recherche avec lui, souvent durant des heures, la meilleure tournure, le meilleur mot ; j’emploie même le chant pour lui rendre accessible un monde qui, jusque-là, lui restait absolument fermé. Maintenant je suis heureux de son activité, de son enthousiasme croissant, de la confession sans détour de son aveuglement d’autrefois… et… nous verrons ! Je sais du moins que je soigne mon enfant le mieux possible pour l’avenir !

D’ailleurs, je n’ai guère bougé jusqu’ici. À Lucerne ou à Paris, ma vie est la même. Le dehors n’a point d’influence sur moi, heureusement…