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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/152

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aller, et rien ne me sert. Étrange m’apparaît ma rencontre avec Liszt en cette vie. Il y a vingt ans, je le vis pour la première fois à Paris, alors que, dans la situation la plus fâcheuse, un dégoût déjà profond du monde m’avait envahi, de ce monde où lui s’exhibait à moi dans tout son radieux éclat. Maintenant que je n’ai qu’à regretter d’avoir été encore une fois poussé vers ce monde par ma destinée ; maintenant que je renouvelle si durement mon expérience de jeunesse et que rien, aucune illusion, aucune apparence ne peut plus me décider à lever le doigt vers lui : il faut encore une fois que Liszt y rayonne à mes yeux !… Personne ne sait mieux que lui ce qu’il y a à attendre là-bas. Je l’apprécie donc avec plus de justice quand j’admets que, le vrai lui étant toujours interdit, il aime à goûter de temps en temps l’ivresse des apparences… Je ne pouvais l’accompagner nulle part : ainsi l’ai-je peu vu. Mais je lui ai promis d’aller le retrouver pendant quelques semaines à Weimar : il veut y faire exécuter de grandes œuvres symphoniques…

Ah ! mon enfant ! Si je ne vous avais pas, mon sort serait bien piteux ! Croyez-le toujours et fermement !… Et que cela vous dise tout !…

Mais ce n’est plus une vie ! Peut-être quelque désir de travailler me reprendra-t-il, une fois sorti d’ici. Puissé-je en sortir !…