Aller au contenu

Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


92.

Paris, 10 Oct. 59.

En attendant de recevoir prochainement de bonnes nouvelles de l’état de Karl, je veux, pour vous distraire, chère enfant, bavarder de choses et d’autres.

Aujourd’hui j’ai eu une très curieuse aventure. Je m’informais, dans un bureau de la douane, au sujet de mes bagages arrivés de Lucerne : les colis figuraient au registre, mais mon nom pas. Je montre ma lettre d’avis et donne mon nom. L’un des préposés[1] se lève : « Je connais bien M. Richard Wagner, puisque j’ai son médaillon suspendu à mon piano, et je suis son plus ardent admirateur. — Quoi ? — Ne soyez pas surpris de rencontrer à la douane de Paris un homme capable de goûter les incomparables beautés de vos partitions, que j’ai toutes étudiées, etc. »[2]

Je croyais rêver. Un enthousiaste de mon art à la douane, alors que je prévois tant de difficultés pour la réception de mes meubles ! Le brave homme se mit en quatre pour me venir en aide : c’était lui-même qui devait visiter. Il a une femme qui joue fort bien du piano ; quant à lui, il aspire à la littérature et gagne sa vie, pour le moment, par cet emploi. Il me parle d’un groupe assez important, qui s’est

  1. Edmond Roche.
  2. Tout ce dialogue est en français dans l’original.