Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/22

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formé presque exclusivement par la propagation de mes œuvres. Comme il ne comprend pas l’allemand, je lui objectai que je me rendais difficilement compte du plaisir qu’il pouvait trouver à lire une musique si intimement liée à la poésie et à l’expression du vers. À quoi il répond : c’est justement parce qu’elle est si intimement liée au texte qu’il peut sans peine induire la poésie de la musique, de sorte que la langue étrangère lui devient parfaitement intelligible par la musique. Qu’y avait-il à répliquer ? Il me faut commencer à croire aux miracles … Et cela à la douane !… J’ai prié mon nouvel ami, qui m’a beaucoup touché (vous pouvez imaginer quelle joie je lui ai causée), de venir me rendre visite…

Savez-vous que mes opéras à Paris ne me paraissent plus une impossibilité aussi paradoxale ? Bülow m’a recommandé ici un médecin et auteur, le docteur Gasperini, qui, avec l’un de ses amis, également Français pur sang, se trouve dans le même cas que mon préposé de la douane. Les gens me jouent Tannhäuser et Lohengrin sans que j’aie rien à y redire. Ils ne sont pas gênés le moins du monde par leur ignorance de l’allemand… Ces jours-ci, pourtant, le directeur du Théâtre-Lyrique[1] s’était fait annoncer chez moi pour m’entendre

  1. Voir Glasenapp, II, 2, 224.