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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/31

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générer en recherche d’effets tout extérieurs. C’est de cela que souffre la nouvelle école française, à la tête de laquelle se trouve Victor Hugo…

Je reconnais maintenant que la particulière texture de ma musique (toujours, cela va sans dire, dans son étroite liaison avec le dessin poétique), ce que mes amis considèrent comme si nouveau et si important, doit son enchaînement à la sensibilité extrêmement fine qui me dispose à concilier, à relier intimement toutes les phases de transition entre les états d’âme extrêmes. Mon art le plus subtil et le plus profond, je voudrais pouvoir l’appeler l’art de la transition, car tout mon œuvre artistique est composé de telles transitions : la brusquerie, les heurts me sont devenus antipathiques ; souvent ils sont inévitables et nécessaires, mais alors même on ne doit les employer que si l’état d’âme est assez formellement préparé à cette brusque transition pour la réclamer de lui-même. Mon chef-d’œuvre dans l’art subtil de la gradation est sans doute la grande scène du second acte de Tristan et Isolde. Le début de la scène exprime la vie débordante en ses passions les plus véhémentes ; la fin, le désir le plus solennel, le plus profond, de la mort. Ce sont là les piliers : voyez un peu maintenant, mon enfant, comment je les ai reliés, comment l’on passe de l’un à l’autre ! Là