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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/32

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gît le mystère de ma forme musicale, et, je l’affirme hardiment, jamais pareil accord, pareille ordonnance où se disposent clairement tous les détails, n’avait jusqu’à ce jour été seulement pressentie. Si vous saviez combien ce sentiment directeur m’a inspiré d’inventions musicales, — pour le rythme, le développement harmonique et mélodique, — qui m’étaient impossibles auparavant, vous comprendriez mieux que jamais comment, même dans les branches les plus spéciales de l’art, rien de vrai ne s’invente qui ne soit issu de telles grandes causes… Voilà l’art ! Mais cet art se rattache intimement à la vie chez moi. Les états d’âme extrêmes en conflit violent doivent toujours rester propres à mon caractère ; mais il m’est pénible de devoir mesurer leurs effets sur d’autres. Être compris est d’une si indispensable importance ! Si maintenant on veut faire comprendre en art ces extrêmes et grands états d’âme vitaux, qui restent proprement inconnus au commun des hommes (hormis dans les rares époques de guerre et de révolution), l’on ne peut y parvenir qu’en motivant les transitions de la façon la plus précise et la plus énergique ; et tout mon œuvre artistique consiste à éveiller le sentiment nécessaire et voulu en les motivant. Ainsi rien ne m’est plus affreux que, dans l’exécution de mes opéras, les sauts entrepris ici, — par exemple, dans Tannhäuser, où j’ai procédé