Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/33

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pour la première fois avec le sentiment toujours plus fort de cette belle et persuasive nécessité de la transition : entre l’horreur causée par l’effroyable aveu de Tannhäuser et le respect avec lequel l’intercession d’Elisabeth est finalement écoutée, j’ai ménagé (musicalement aussi), une transition motivée de la façon la plus significative, dont j’ai toujours été fier et qui ne manque jamais son effet persuasif. Vous pouvez juger de mon état, quand j’appris qu’ici (comme à Berlin) on trouvait des longueurs dans cette scène et que l’on coupait net une partie essentielle de mon œuvre.

Telle est ma destinée en art. Et dans la vie ? N’avez-vous pas été témoin souvent d’occasions où l’on trouvait mon discours démesuré, importun, à n’en plus finir, lorsque, par une inclination analogue, mon seul désir était d’amener, après l’excitation, après quelque parole excessive, l’accord conscient, la conciliation réfléchie ?…

Vous rappelez-vous encore la dernière soirée avec Semper ? J’avais soudain perdu mon calme et blessé mon adversaire par une attaque des plus vives. À peine le mot m’avait-il échappé, que je repris mon sang-froid ; je ne vis plus alors que la nécessité — perçue par moi seul — de la conciliation, du tour qu’il fallait redonner à l’entretien. En même temps, j’avais le sentiment précis que cela ne pouvait