Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/51

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mienne ne vous serait pas arrivée le 23 Décembre. Je ne puis donc attendre pour aujourd’hui la réponse.

Je suis heureux de vous savoir, cependant, bien arrivés et en bonne santé à Rome. Votre lettre me prouve que je puis parfaitement vous abandonner à vous-même maintenant. Vous avez ouvert les yeux, et regardez… Peut-être l’aviez-vous omis. Voyez et regardez pour moi aussi : j’en ai besoin, et ne pourrais vous préférer personne pour voir à ma place. Mon cas est tout à fait particulier : je l’ai reconnu à plusieurs reprises, et, finalement, de la façon la plus précise en Italie. Pendant un certain laps de temps, mon œil est vivement saisi par des impressions profondes, mais cet effet ne dure guère. Cela ne provient certainement pas de ce que mon œil soit insatiable ; il semble plutôt qu’il ne me suffise point comme organe sensible pour observer le monde. Peut-être suis-je dans le même cas que Gœthe, qui prenait tant de plaisir par les yeux, et qui s’écriait dans Faust : « Quel spectacle ! mais, hélas !… rien qu’un spectacle ! »

Cela provient peut-être de ce que je suis trop décidément l’homme de l’oreille ; et cependant je vis parfois pendant de si longues périodes sans le moindre aliment pour l’ouïe ! Non, cela ne me paraît pas encore la véritable cause. Il doit exister un sens intérieur, indéfinissable, et qui n’agit jamais si nettement que lorsque