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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/57

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Oh ! restez à Rome ! Comme je suis heureux de vous savoir ainsi hors du monde ! Regardez, contemplez, méditez bellement et délicieusement ! Faites-le pour moi, et ce me sera un soulagement de recevoir de vous ces images intimes et profondes. Cela rafraîchira et réconfortera celui qui tremble la fièvre ! Ainsi maintenant êtes-vous ma suprême consolation !

Deux mots encore des événements extérieurs. Après des peines et des tracas inouïs, je parvins, mercredi dernier, à mon premier concert.[1] La soirée a été vraiment une fête, je ne puis dire autrement. L’orchestre était déjà rempli d’enthousiasme, comme suspendu à mon regard, à mon geste.

Je fus accueilli par lui et par le public avec acclamations interminables, et l’éclat, l’étonnement, les transports redoublèrent à chaque morceau. La sensation est immense : impressions extraordinaires, conversions, feuilletonistes (celui de la Patrie) se précipitant vers moi pour me baiser la main ! J’éprouvais une fatigue mortelle. Ce soir-là, j’ai reçu la dernière consécration de ma souffrance : je dois, il le faut, marcher en avant ! C’est l’unique tâche qui me reste. La fleur s’ouvrira au monde et mourra : conservez-en le chaste bouton !

  1. Voir Glasenapp, II, 2, 239.