Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/65

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public aussi semblait être fort empoigné, car lorsque — après les applaudissements — un opposant se risqua à siffler, un tel ouragan éclata, si intense, si prolongé, toujours renaissant, que je commençai vraiment à me sentir gêné à mon pupitre et que je dus prier, par des gestes de la main, de cesser à la fin, pour l’amour de Dieu, ma satisfaction étant complète ; mais cela même ralluma une nouvelle ardeur, et l’ouragan se déchaîna de plus belle. Bref, je n’ai jamais rien vu de pareil.

Tous les fragments de Lohengrin firent, dès le début, un effet extraordinaire ; orchestre et public, après chacun, m’auraient presque porté en triomphe. Vraiment, je ne peux pas dire autrement, ce furent des soirs de fête…

Et maintenant l’enfant demandera, sans doute, avec étonnement, pourquoi je ne suis pas content après de si belles émotions, pourquoi je regarde si tristement devant moi ? Oui, c’est tout spécial…, et je puis dire seulement que les fêtes c’est bel et bon…, mais que je n’en ai pas besoin ! De telles soirées restent quelque chose qui m’est extérieur : ce sont des ivresses, rien d’autre, et elles laissent derrière elles les effets de toute ivresse. Oui, si seulement j’étais autrement fait, cela irait bien. Après tout, je suis parvenu assez loin ; je pourrais jouir du repos maintenant, attendre à mon aise les événements, et ce qui est immanquable, à ce qu’on