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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/68

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tentionnel. Je ne vois pas encore la hauteur d’où je pourrais de nouveau diriger mes regards vers mon but… Quand j’aperçus, à la fin, l’inévitable nécessité de concentrer d’abord tous mes efforts pour arriver à une première exécution de Tristan, je me disais aussi : maintenant, avec ce but en vue, plus d’humiliations pour toi ! Tout ce que tu fais pour acquérir le pouvoir et les moyens ne peut comporter rien de honteux pour toi, et à tous ceux qui ne pouvaient te comprendre parce qu’ils te voyaient marcher dans des chemins non frayés tu pourrais crier : « Qu’est-ce que vous savez de mon but ?… » Car celui-là seul peut me comprendre qui comprend mon but.

Chaque jour m’apporte de nouveaux projets : tantôt cette possibilité-ci, tantôt celle-là flotte devant moi. Je suis si indissolublement lié à cette œuvre que — très sérieusement — je sacrifierais ma vie, je jurerais de ne pas vivre un jour de plus après l’avoir fait représenter. Ainsi est-il explicable que je pense, au lieu de subir toutes les peines et les humiliations que j’aurais à subir pour acquérir les moyens nécessaires par des succès « parisiens », à choisir le tourment le plus simple : aller à Dresde, me soumettre à l’interrogatoire, au jugement, et à la grâce, ma foi ! pour pouvoir chercher tranquillement le meilleur théâtre allemand, y représenter Tristan et rompre ainsi le charme