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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/87

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Et l’artiste, alors ? Le pauvre fou ! Celui-ci est vraiment le bouffon de sa propre conscience ; mais il est très artistement organisé, justement, pour supporter l’éternel conflit. Oui, être toujours en conflit, ne jamais atteindre au parfait calme intérieur, être toujours traqué, attiré puis repoussé, telle est l’existence éternellement bouillonnante d’où jaillit l’inspiration, comme une fleur du désespoir… Mais, je le sais, et vous devez le sentir aussi ! qui voudrait être autrement qu’il n’est ?

Je me suis rendu compte maintenant du choix que j’ai à faire ; seulement je ne sais pas encore ce que je choisirai — et, probablement, le choix ne dépendra pas du tout de moi, mais c’est Lui qui choisira, le Brahm, le Neutrum.

Voici donc : ou bien représenter mes œuvres, ou bien en créer de nouvelles. Prendre le premier parti, c’est accepter jusqu’au désastre les conséquences de l’affirmation de la vie. Si je veux d’abord révéler proprement au monde mes œuvres terminées, lui faire sentir exactement, par des représentations adéquates, ce qu’il possède en elles, cela seul est une entreprise qui doit consommer la plus vigoureuse énergie vitale. Alors tout le reste n’est que fourvoiement, tout approfondissement au dedans n’est qu’une trahison de mon projet ; alors il s’agit de se porter au dehors, uniquement au dehors, de me soumettre le monde, de n’appartenir