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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/97

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chose ! » je pris, tout étonné, ma pose, et je me dis : « Pour les Bruxellois, ce sera toujours suffisant ! » Je me rappelle d’ailleurs m’être encore aperçu de l’incroyable rapidité avec laquelle les fonctions du cerveau suivent les états moraux qui les conduisent, et ce qu’il y a de plus lointain peut se relier à ce qu’il y a de plus proche. On m’avait photographié à Paris, et ce monstre de photographe avait trouvé bon, sans que je m’en pusse apercevoir, de me donner une pose tout à fait affectée, avec l’œil tourné de côté : ce portrait m’est souverainement antipathique et j’ai déclaré que là-dessus j’avais l’air d’un Marat sentimental. Ce malheureux simulacre[1] a été utilisé par l’Illustration et — défiguré lui-même horriblement — il fait, depuis, le tour des journaux illustrés, — jusqu’en Angleterre. Le dégoût que j’en ressentis me fit, lors de l’opération de Bruxelles, prendre machinalement une expression plus convenable, pour avoir, sans affectation aucune, un air paisible et sage. L’ironie de toute la précédente aventure me donna, avec la rapidité de l’éclair, les dispositions voulues ; tout ce qui m’entourait disparut ; je regardais tranquillement par-dessus le monde, comme si je n’avais nullement affaire

  1. Le portrait de Bruxelles figure en tête du volume ; celui de Paris dans l’ouvrage de Chamberlain sur Richard Wagner, page 73.