Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/99

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être vous inquiéteriez-vous plus qu’il n’est nécessaire si je continue à me taire !

Pouvez-vous bien, vous-même, vous faire une idée exacte de ma vie ? À peine si je le crois, par la seule raison que c’est presque impossible. Il m’arrive ceci d’étonnant que je dois battre en retraite, finalement, devant presque toutes les sympathies qui se déclarent, parce que j’en viens toujours à un certain point où mon étrange situation à l’égard du monde, à propos de tous mes faits et gestes, prête à des malentendus si manifestes pour ma sensibilité, qu’il me faut constater qu’on me prend, à proprement parler, pour une espèce d’hypocrite. Cependant il m’est déjà très difficile de définir exactement ce que je veux dire par là. Donc cette constatation même demeure mon secret, et pour ce qui est du monde, je n’ai que cette bizarre consolation, à savoir que, dans son incompréhension, il croit ne rien voir là que d’ordinaire, de naturel, et donc qui ne mérite aucun blâme particulier… Il n’existe certainement pas une seule créature humaine ayant moins de joies, de plaisirs, ou seulement de réconforts quelconques et de recréations passagères que moi. Quoi que je fasse, jamais un seul instant, il ne me vient à l’esprit de me préparer un plaisir, un agrément, parce que j’ai appris à reconnaître toujours plus nettement que ce que je recherchais n’arrivait jamais, allait