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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/35

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DE LA MUSIQUE ALLEMANDE

rellement un des objets habituels de leurs pensées et de leurs réflexions. Bien loin de ne voir alors en elle qu’un instrument de distraction, ils apportent au contraire dans sa pratique le même sentiment de vénération et de piété que leur inspirent les devoirs les plus sacrés. De là cette espèce de rêverie sérieuse et mélancolique qui s’identifie pour eux avec l’exercice de cet art, et qui caractérise en Allemagne toutes ses productions.

C’est autant à cause de cette manière de sentir que par suite de l’insuffisance de son éducation vocale, que l’Allemand s’adonne de préférence à la musique instrumentale. Si nous admettons d’ailleurs que tout art possède une branche spéciale qui le représente d’une manière plus complète et plus absolue, c’est sans contredit, pour la musique, le genre instrumental. Dans les autres, en effet, l’élément primitif est toujours plus ou moins altéré par un principe secondaire, et jamais l’alliage qui en résulte ne produit, comme l’a démontré l’expérience, d’aussi brillants effets que le genre purement instrumental. Combien d’adjonctions hétérogènes et d’accessoires de toute sorte, par exemple, l’esprit ne doit-il pas apprécier à la représentation d’un opéra pour arriver à la parfaite intelligence de la pensée du compositeur ? Et que de fois celui-ci n’est-il pas obligé de subordonner ses inspirations à de vulgaires détails totalement opposés