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Page:Wagner - L’Anneau du Nibelung, trad. Ernst.djvu/101

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Le mouvement mélodique de la phrase : « Siegmund suis-je !» est d’un caractère affirmatif absolument irrésistible, et nul auditeur ne s’y trompera.

Une autre raison se lie aux précédentes, elle touche à l’essence même du rapport entre le poème et la musique. Si l’accord de la traduction avec le texte littéraire exige la plus grande liberté syntactique compatible avec l’existence de la langue et sa clarté, l’accord avec le texte musical l’exige pareillement. Que l’on étudie la question expérimentalement ou a priori, il est impossible de se conformer aux accents expressifs musicaux, au mouvement musical, à l’effet musical, si l’on ne sait rapprocher la construction des phrases et périodes, dans la traduction française, de la construction des phrases et périodes wagnériennes. Le secret de la déclamation expressive chez Wagner, de l’équilibre entre l’élan lyrique et la précision dramatique, de l’alliance entre la justesse de l’accent ou le naturel du discours et la vigueur du style musical, la puissance du motif, la plénitude de l’effet, tout cela s’explique en grande partie par cette loi : la construction de la période musicale chantée coïncide avec la construction de la période poétique. Loi fondamentale, évidente dès qu’on y veut bien réfléchir, loi que Wagner lui-même a indiquée dans la Lettre sur la musique (à propos de Tristan), et dans Opéra et Drame. Si donc le traducteur écrit une version vraiment adaptée à la musique, il ne lui suffit pas d’avoir une syllabe pour chaque note, ni d’obtenir la correspondance des valeurs prosodiques et des valeurs rythmiques : il faut encore que sa phrase et sa période, dans les limites du possible, soient construites comme la phrase et la période du texte original.

Je dirai peu de chose du vocabulaire, malgré l’importance de la question. Dans l’Anneau du Nibelung, les radicaux figurent en quelque sorte les principes élémentaires du drame, ses idées