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qu’introduit la recherche de la rime, déjà fâcheuse dans la plupart des cas, devient totalement illogique et nuisible. Pourquoi donc l’ajouter à celles qui sont inévitables ?

L’Anneau du Nibelung n’est pas rimé. Ce quadruple drame est la seule œuvre de Wagner d’où la rime soit complètement absente. Il y a là une intention formelle du poète-musicien. C’est gravement la méconnaître que de persévérer dans une forme contradictoire avec celle qu’il a choisie. Traduisant la Walkyrie, j’ai donc renoncé à la rime.

En ce qui concerne la prosodie, je me suis efforcé d’obtenir, en respectant le texte musical, une déclamation logique, juste d’expression, conforme à l’accentuation correcte que veut la langue. On pourra signaler, il est vrai, quelques passages où, forcé de garder un rythme musical puissamment caractéristique, j’ai fait légèrement fléchir mes principes en matière de déclamation ; mais les très rares libertés que je me suis permises sont peu de chose au prix des licences que s’accordent journellement nos compositeurs, qui cependant mettent en musique leur propre langue, et sont libres de leurs formes[1]. Ce que sûrement l’on remarquera, et ce que j’ai d’ailleurs voulu, c’est une énergie inaccoutumée d’accentuation, un contraste prosodique très marqué entre les fortes et les faibles, les longues et les brèves. La mélodie vocale wagnérienne m’amenait à ce contraste, et je l’aurais encore accusé, si cela eût été possible, en haine de la plate déclamation par valeurs égales

  1. Par exemple, en la scène III du troisième acte, il y a un passage où le mot ôter occupe les deux premiers temps de la mesure, la première syllabe se trouvant sur le premier temps, bien que l’accent tonique donne plus d’importance à la deuxième. Mais cette licence est excusable ici (où la mesure à quatre temps est assez lente), étant donné qu’ôter a réellement deux syllabes accentuées.