Page:Wagner - L’Anneau du Nibelung, trad. Ernst.djvu/109

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toucher qu’avec une extrême prudence, en respectant les rythmes.

Ces modifications légères, je ne les ai souffertes qu’en de très rares passages, ceux où le dessin chanté n’est pas déterminé par des nécessités musicales — telles que les correspondances rythmiques, les imitations mélodiques, les phases régulières d’un développement ou d’une variation du motif — mais uniquement par la quantité syllabique du texte. De toute manière, et spécialement lorsqu’un thème significatif s’affirme à la voix, il faut éviter absolument les additions, ou du moins les réduire, si elles sont reconnues indispensables, à de simples notes prosodiques correspondant le plus possible à des syllabes muettes. Ces muettes, à condition d’être prononcées naturellement — c’est-à-dire comme dans le langage ordinaire, sur des valeurs minimes et non accentuées — n’altèrent pas sensiblement la phrase mélodique[1]. Il serait à souhaiter que nos chanteurs perdissent la déplorable habitude (à laquelle les incite l’incorrecte prosodie chère à certains musiciens) de s’étaler sur les désinences féminines des mots, au point d’en changer complètement l’aspect.

Lorsqu’une de ces syllabes muettes m’a forcé d’ajouter une note prosodique, j’ai donné ou refusé à cette note, suivant les cas, une valeur musicale mesurable, me réglant tantôt sur la présence ou l’absence d’une consonne avant l’e muet, tantôt sur le caractère plus ou moins accentué de la déclamation. Par exemple, dans le langage

  1. A l’audition de fragments considérables de la traduction présente, j’ai constaté expérimentalement que les altérations très légères et très rares du texte musical dont je n’avais pu me dispenser demeuraient inaperçues de personnes qui cependant savaient le texte original par cœur, et cela parce que ces petites altérations laissaient intactes les formes musicales.