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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

des représentations-types par toute la terre, tout au moins des représentations significatives de son but !

Ces représentations significatives, les avons-nous ? Qui l’osera dire ? Qui, s’il a connaissance du but ? Qui, s’il a médité sur les idées de Wagner ? Et pourquoi ne les avons-nous pas ? Et pourquoi les Allemands non plus ne les ont-ils guère, sauf à Bayreuth, Mecque si peu germanique, en somme, d’une religion d’Art presque universelle ? Wagner avait-il donc raison quand il disait : « L’Œuvre d’Art de l’Avenir ne pourra pleinement vivre que lorsque le drame ordinaire et l’opéra seront impossibles » ? Passe pour l’Allemagne, – mais ici !… et je n’ai à m’occuper que d’ici.

Eh bien ! troublée sans doute, – ici, – troublée du vague remords collectif et latent de ses injustifiables outrages et de ses antérieures injustices, la conscience publique d’une élite n’a point trouvé de repos durable avant de les avoir réparées. Nul n’a songé à se demander si la seule réparation due au génie d’un Richard Wagner ne serait pas de chercher à le comprendre. Réparer ! l’instinct ne raisonne pas : réparer les huées par les acclamations ! Applaudir de confiance, comme on sifflait de confiance, sans d’ailleurs soupçonner maintenant, mieux qu’autrefois, de quelle sublime chose il s’agit, ah ! de quelle redoutable chose ! — Jour de Dieu ! il est temps, grand temps qu’une voix proteste, et qu’un geste impose du silence, avant qu’il soit ici trop tard et pour longtemps, comme il semble que pour longtemps, là-bas à l’Est , il soit trop tard !

La question, Société que vous êtes, Cohue que vous êtes , Elite aussi, et vous, Critiques, sous vos vénérables jumelles, la question n’est nullement de savoir (car la réplique n’est pas douteuse) si les Drames de Richard Wagner doivent être joués, mais comment : – comment ! Et pour savoir comment, il faut étudier ses idées ; et, pour comprendre ses idées, – car alors, mais alors