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WOGLINDE

Il ne dirait pas de mal de la parure de l’Or, s’il en savait toutes les merveilles !

WELLGUNDE

L’Or-du-Rhin ! c’est l’Héritage même du Monde qu’il conquerrait, avec un pouvoir sans limites, à quiconque aurait su s’en forger un Anneau.

FLOSSHILDE

Voilà ce qu’a dit le Père, en nous recommandant de veiller, avec prudence, sur le Trésor limpide, pour que nul traitre ne l’arrache au Fleuve : silence donc, indiscrètes bavardes !

WELLGUNDE

Très prudente soeur ! est-ce à propos que tu grondes ? Ignores-tu donc auquel, seul parmi tous les êtres, il est réservé de forger l’Or ?

WOGLINDE

Celui-là seul qui renonce au pouvoir de l’Amour, celui-là seul qui chasse la douceur de l’Amour, celui-là seul, Maitre du charme, pourra faire, avec l’Or, l’Anneau.[1]

  1. Ici le Thème du Renoncement à l’Amour ; accords, au grave, pianissimo ; à quoi succède le Thème de l’Anneau, déjà esquissé à la page précédente de la partition. Ces deux thèmes sont ici très logiquement juxtaposés, en sens que, pour posséder l’Or, l’Anneau, par conséquent, qui sera forgé de l’Or, il faut qu’Alberich renonce à l’Amour. Prophétiques, gros d’un monde d’idées, ces deux motifs passent ici, obscurs, comme tout ce qui est prophétique, perdus en l’éclat de la fanfare de l’Or-du-Rhin, dont rayonne toute cette scène ; le chant même des ondines procède partiellement du motif de l’Or-du-Rhin. Voir la partition, pages 42 et suivantes. On verra, dans ce même passage, comment le thème du Walhall se dégage du thème de l’Anneau. Tous deux, symbolisent, en effet, deux modes d’ambition : les dieux veulent régner par la force et la gloire, le Nibelung cherche à conquérir la domination universelle par la ruse, les entreprises ténébreuses, la mystérieuse séduction des richesses.