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FRICKA

Ainsi, c’est une joie sans mélange que tu trouves dans ce qui m’épouvante ? Toi, le Burg te transporte ; moi, j’ai peur, pour Freya[1]. Négligent ! souviens-toi du salaire stipulé ! Le Burg est achevé, ton gage est caduc : ce qu’il t’en coûte, l’as-tu oublié ?

WOTAN

Je trouve justes les conditions de ceux qui m’ont construit un tel Burg ; par un pacte, j’ai réduit leur indomptable engeance à m’élever l’auguste demeure ; la voilà debout grâce à leur force : – quant au payement, tranquillise-toi.

FRICKA

O légèreté ! Rire criminel ! Joie égoïste ! Cœur sans amour ! Si j’avais connu votre pacte, j’aurais empêché celle duperie ; mais courageusement vous aviez, vous, des hommes, éloigné les femmes, pour pouvoir, sourds à toute pitié, sans être importunés par nous, vous concerter seuls avec les Géants. Voilà comme cyniques, sans rougir, tout fiers de votre vil trafic, vous avez osé leur offrir mon adorable sœur, Freya[2]. – Mais rien ne vous est sacré , barbares, rien n’est sacré pour vous, les hommes, quand vous aspirez à l’empire !

  1. Sur Freya, consulter la note mythographique qui lui est consacrée, p. 253, et aussi les notes (2) de la page 251, (2) de la page 255 , etc.
  2. « Dans le commencement du premier âge des Dieux,… un architecte vint les trouver, et offrit de construire en trois ans un château tellement fort, qu’il serait impossible aux Géants des montagnes… de s’en emparer… Mais il demanda pour récompense Freya, ainsi que le soleil et la lune. Les Ases s’assemblèrent pour délibérer sur cet objet, et dirent à l’architecte que ses demandes lui seraient accordées s’il bâtissait ce château dans l’espace d’un hiver ; mais si le premier jour de l’été il restait quelque chose à faire à cet édifice, la convention serait nulle. » (Edda de Snorro, Gylfaginning.) Pour les transformations du mythe de la mise en gage de Freya, déesse de l’Amour et de la Jeunesse, se reporter à l’Etude d’Edmond Barthélemy, qui fournit le commentaire des sources dont je ne puis donner ci-dessous que les extraits.