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WOTAN

Semblable aspiration, peut-être, était étrangère à Fricka, lorsque ses prières mêmes réclamérent un palais ?

FRICKA

Il me faut bien, hélas,[1] inquiète sur la fidélité douteuse de mon époux, songer aux moyens de l’attacher à moi, quand au loin quelque chose l’attire[2] ; une pompeuse résidence, riche-

  1. « Il me faut bien, hélas… »
    Nous n’insisterons pas sur le Thème de l’Enchaînement d’Amour, qui apparait, ici, à ces paroles de Fricka (Voy. Partition, page 60) ; par contre, nous aimerions examiner plus longuement le Motif de Freya qui lui succède, dès l’arrivée de la jeune déesse, et qui a une bien autre importance, au point de vue général de la Tétralogie. Ce Motif se lie bientôt à un autre, dit le Motif de la Fuite, et qui, exprimant, d’une façon immédiate, l’enlèvement de Freya par les Géants, évoque, en même temps, tout ce qu’il y a de précaire, de mélancoliquement aventureux dans le bonheur des Dieux voués à la Chute, dans l’idéal qui couve au front tourmenté de Wotan. – Désormais, d’un bout à l’autre de la Tétralogie, ces deux idées d’Amour et d’Angoisse reviendront toujours simultanément : de même que le Motif de la Fuite scande, dans l’Or-du-Rhin, l’apparition de Freya, bientôt ravie par les Géants, de même dans la Walkyrie, il précède l’amour persécuté de Siegmund et de Sieglinde ; enfin dans la formidable Marche funèbre du Crépuscule-des-Dieux, lorsque s’éloigne dans la nuit le cortège de Siegfried assassiné, – un trait rapide, saccadé, très sourd, qui s’obstine, gémit lugubrement, à travers le glorieux thème de la Race de Wälse, déployé aux cuivres, semble rappeler les phrases heurtées de ce Motif-de-la-Fuite.
  2. « ODIN : Frigga, donne-moi un avis. J’ai le désir de voyager et d’aller trouver Vafthrudner ; j’ai une envie extrême de causer de la sagesse antique avec ce géant si savant. FRIGGA : Je conseille au père des armées de rester dans son palais divin... ODIN : J’ai beaucoup voyagé, j’ai mis à l’épreuve bien des intelligences, maintenant je désire connaitre les usages établis dans les salles de Vaftbrudner. » (Vafthrudnismal.) — Cf. p. 431, notes.