Page:Wagner - La Tétralogie de l’Anneau du Nibelung, trad. Louis-Pilate de Brinn’Gaubast et Edmond Barthélemy, Dentu, 1894.pdf/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Amour, tout ce qui vit devra maudire l’Amour[1] : captivés, fascinés par l’Or, vous aurez le délire de l’Or. Bercez vous sur les cimes, dans les murmures des brises, race d’éternels voluptueux : mais prenez-garde à l’Alfe-Noir que vous méprisez ! prenez garde ! Car vous, les mâles, ma toute-puissance vous asservira, tout d’abord ; et vos femelles, dont la beauté dédaigna mes supplications, serviront, à défaut d’Amour, au plaisir, aux luxures du gnome ! Hahahaha ! vous m’entendez ? prenez garde à mon noir troupeau[2], prenez bien garde, si, du fond des gouffres muets, l’Or du Nibelung s’élève à la lumière du Jour !

WOTAN, bondissant.

Péris, gnome scélérat !

ALBERICH

Quoi ? qu’est-ce qu’il dit ?

LOGE, s’est interposé.

Sois donc de sang-froid ! (A ALBERICH) Qui donc ne serait saisi d’étonnement, s’il comprend l’oeuvre d’Alberich ? Qu’à ton admirable habileté viennent à réussir les projets par toi fondés sur le Trésor, il me faudra bien le proclamer le Plus Puissant parmi les êtres : car la Lune même, les Astres même, jusqu’au resplendissant Soleil, que pourraient-ils faire d’autre, alors, que d’être dociles à tes ordres ? — Il importe pourtant avant tout, suivant moi, que les amasseurs du Trésor, le troupeau des Nibelungen, l’obéissent sans envie ni haine. Tu possèdes, grâce à ta hardiesse, l’Anneau qui fait trembler ton

  1. Littéralement : « De même que moi j’[ai] renoncé à l’Amour, – Tout ce qui vit » (ou : « vivra ») – « Devra y renoncer. » On saisit la nuance qu’implique ce mot-à-mot, et pourquoi il me faut le noter. – En effet, tous les personnages, consciemment ou inconsciemment, jusqu’à l’Acte libérateur qui conclut L’Anneau du Nibelung, subiront cette fatalité, bientôt corroborée dans la « Scène » quatrième) par la Malédiction supplémentaire du nain . — Cf. ci-dessus la note (1) de la p. 212.
  2. Littéralement : « l’armée de la Nuit. »