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peuple : mais si quelque voleur profitait de ton sommeil pour t’arracher l’Anneau par ruse, de quelle manière alors, avec toute ta sagesse, te garantirais-tu toi-même ?

ALBERICH

Loge s’estime le plus fin des êtres ; à son avis, tout autre est toujours bête : si je pouvais avoir besoin de lui pour un conseil, pour un service, qu’il se ferait payer plus que cher, le voleur ! il en serait bien aise ! Le heaume qui cache et qui déguise, je me le suis inventé moi-même ; j’ai forcé Mime, le plus habile des forgerons, à me le forger ; le heaume peut instantanément : ou, suivant mon caprice, me métamorphoser, ou dissimuler ma présence ; invisible à quiconque me cherche, je n’en suis pas moins présent partout. Aussi suis-je en sécurité, gardé que je suis même contre toi, ami rare ! ami dévoué !

LOGE

Certes, j’ai vu bien des choses, et d’extraordinaires : mais pareil miracle, jamais. Cette oeuvre unique, je n’y puis croire ; si elle pouvait se réaliser, ton pouvoir serait éternel.

ALBERICH

Me juges-tu donc menteur et fanfaron, comme Loge ?

LOGE

Tant que je n’aurai pas eu des preuves, gnome, je révoquerai ta parole en doute.

ALBERICH

L’imbécile, sûr de son esprit, se gonfle jusqu’à en crever : c’est bien ! que l’envie le torture ! Précise : sous quelle forme veux-tu que je t’apparaisse, à l’instant même ?

LOGE

Sous celle que tu voudras, pourvu que, de stupeur, j’en reste muet !