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ALBERICH, plaçant, sur sa tête, le heaume.

« Dragon gigantesque, déroule les anneaux ! »

(Aussitôt il s’évanouit : à sa place un reptile géant, monstrueux[1], se déploie sur le sol ; il se dresse, menaçant, de sa gueule béante, WOTAN et LOGE.)

LOGE feint d’être saisi d’effroi.

Ohe ! Ohe ! dragon terrible ! ne me dévore pas ! laisse à Loge la vie !

WOTAN rit.

Bien, Alberich ! A la bonne heure ! Ce dragon géant, sur ma foi, pour un nain, c’est grandir bien vite !

(Le reptile disparaît ; à sa place, on revoit ALBERICH sous sa figure ordinaire.)

ALBERICH

Héhé ! Vous, les malins, me croyez-vous, à présent ?

  1. Dans Siegfried parait sur la scène Fafner, métamorphosé en Dragon. Si l’on veut bien ne pas oublier que la Tétralogie fut écrite pour être jouée en quatre « journées », sans doute estimera-t-on moins « antidramatique » cette mise-à-la-scène d’un dragon – qui n’est ni « de la Reine » ni même « de Villars », comme s’épanchait, en ma présence, l’un de nos plus nationaux entrepreneurs de mots de la fin. Car on sera force de reconnaître avec quel soin spécial Wagner y a, dès ici, préparé. Je ne répéterai point à ce propos les observations présentées, dans une de mes précédentes notes, quant au crapaud dont Alberich va prendre ci-dessous l’apparence. Mais, non sans un secret espoir d’être injurié par ces infirmes, — je ressasserai, mille fois s’il le faut, combien sont à plaindre ceux-là qui osent prononcer, tout haut ou tout bas, l’absurde blasphème : « Une féerie ! » – Touchant la vraisemblance scénique de tels détails, dans les conditions toutes spéciales du Festspiel-Haus de Bayreuth, cf. l’Avant-Propos, p. 132, note (2).