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Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/42

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Turin, Gênes, La Spezzia ; puis j’ai voulu voir Nice pour m’y arrêter quelque temps ; mais là, dans ce monde étranger, ma solitude m’est apparue si épouvantable que je tombai subitement, — en raison aussi d’un malaise corporel, — dans une mélancolie si profonde que je n’ai pu assez vite rentrer chez moi, en passant par le lac Majeur et le Gothard. Là, tandis que je revenais à moi, ta lettre m’est arrivée : mais, en même temps, je recevais une invitation de Liszt à un rendez-vous à Paris, où je passai tout le mois d’octobre, — ce qui a fourni aux journaux l’occasion de nous attribuer, à Liszt et à moi, l’intention de faire jouer un de mes opéras à Paris. Dans ce tumulte, je n’aurais pu répondre à ta lettre; je voulais le faire aussitôt mon retour à Zurich. Mais, rentré ici, je fus si violemment envahi par le désir de commencer, enfin, la composition musicale de l’Or du Rhin (I) qu’il m’a été impossible, dans ces dispositions, de répondre à tes critiques de mon poème : ça ne venait pas, je n’aurais pas pu! Au contraire, avec passion, je me jetai, — après six années d’interruption absolue, — sur la musique, si bien qu’à la fin, je me proposai de ne pas t’écrire avant d’avoir terminé la composition de l’Or du Rhin. Eh bien, j’en suis là enfin, — et je comprends seulement aujourd’hui mon aversion à t’écrire plus tôt ; car main- tenant, — que la composition est achevée, —

(I) Prologue des Nibelungen.