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Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/44

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liberté : c’est d’être Vrai (I). Celui qui est vrai, c’est-à-dire celui qui est, conformément à son caractère, d’accord entièrement avec lui-même, celui-là est libre; la contrainte extérieure n’est efficace (selon le but qu’elle se propose) que si elle tue la sincérité dans celui qui la subit, quand elle le rend hypocrite, qu’elle le conduit à vouloir faire croire aux autres et à soi-même qu’il est autre qu’il n’est. Voilà le véritable esclavage ! Mais, en subissant la contrainte, on n’en vient pas là nécessairement, et celui qui sait, — même sous la contrainte, — sauvegarder sa sincérité, celui-là, au fond, sauvegarde aussi sa liberté ; tout au moins mieux que celui qui ne s’aperçoit plus de l’oppression, — qui est partout en ce monde, — parce qu’il n’en a plus la sensation, et cela, parce qu’il s’y est soumis intégralement, qu’il dissimule par crainte. Je crois que cette sincérité est aussi, au fond, toute la vérité dont parlent nos philosophes et nos théologiens. La vérité est une notion ; elle n’est rien de plus, au fond, que le vrai objectivé ; mais le Vrai n’est lui-même que la réalité, ou mieux le réel, ce qui existe véritablement ; or, le réel, c’est ce qui est sensible, tandis que ce qui n’est pas sensible, c’est le non-réel, c’est-

(I) Le mot allemand Wahrhaftigkeit, dont se sert Wagner, est difficile à rendre dans toute son étendue. Wahrhaftigkeit signifie littéralement : attachement à la vérité, véracité, véridicité. Dans le sens où il est employé ici, il pourrait se traduire aussi par sincérité.