Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/47

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réel n’est sans commencement ; l’imaginaire, seul, n’a point de limites. En somme, on devrait dire que, pour être complètement dans le vrai, l’être humain, en tant qu’être sensible, doit se consacrer à l’absolue réalité : Naissance, développement, efflorescence, — dépérissement, anéantissement, éprouver tout cela sans réserves, avec volupté et tristesse, ne vouloir vivre que de la vie faite de joies et de douleurs, ensuite — mourir. Voilà la seule façon de se consumer dans le vrai. Seulement, pour nous consumer de la sorte, il faut que nous renoncions à vouloir le Vrai intégral : le vrai intégral ne se montre à nous qu’en des manifestations isolées, car nos sens ne peuvent percevoir que celles-là, dans le sens absolu du mot ; nous ne percevons « réellement » une manifestation que lorsque nous pouvons être entièrement remplis par elle et l’absorber entièrement en nous. Comment ce merveilleux phénomène se produit-il le plus complètement? Demandez à la Nature! Seulement dans l’Amour! Tout ce que je ne puis aimer reste en dehors de moi, et je reste en dehors de lui. Ici le philosophe s’imaginera volontiers qu’il comprend, mais non l’homme qui veut être sincère. L’amour, dans sa réalité la plus complète, n’est possible que dans la limite des sexes ; nous ne pouvons aimer véritablement que comme homme et femme ; tout autre amour n’est qu’un dérivé de cet amour, un sentiment qui émane de lui, qui se rapporte à lui ou bien