Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/48

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en est une imitation factice. C’est une erreur de croire que l’Amour ne soit qu’une manifestation d’un sentiment plus général et qu’à côté et même au-dessus de lui, il puisse exister d’autres manifestations plus élevées de ce sentiment. Celui qui, à l’exemple des métaphysiciens, place l’irréel avant le réel et déduit la Réalité de l’Idée, — en d’autres termes, qui prend la Logique pour la Génétique, — celui-là a raison sans doute de concevoir la notion de l’amour comme étant antérieure à sa manifestation sensible, et il peut affirmer que l’amour véritable, sensuel, n’est qu’une manifestation de l’amour idéal préexistant ; pour être conséquent, il devra mépriser l’amour vrai, comme en général tous nos sens. De toutes façons, il y a gros à parier qu’il n’aura jamais aimé, qu’il n’aura jamais été aimé comme des êtres humains peuvent s’aimer, sans quoi il aurait dû s’apercevoir que son mépris de l’amour visait seulement l’amour animal, la sensualité animale, mais non le véritable amour humain. La suprême satisfaction de l’égoïsme (I), c’est de se supprimer complètement lui-même, et c’est par l’amour seul que nous pouvons obtenir ce résultat ; or, l’être humain est homme et femme, et c’est par l’union d’homme et femme que l’être humain existe réellement, c’est seulement

(I) L'égoïsme est pris ici dans le sens de sentiment personnel, notion de Moi individuel.