Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/49

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par l’amour que l’homme, aussi bien que la femme, deviennent — « l’être humain ». Quand nous parlons aujourd’hui de « l’être humain », nous sommes si sottement dénués d’amour que, sans le vouloir, nous n’entendons jamais par ces mots que l’homme seul. L’union de l’homme et de la femme, c’est-à-dire l’amour (sensuel et métaphysique), crée l’être humain, et, comme l’homme, dans toute son existence, ne peut rien représenter qui soit supérieur à sa propre existence, à ce qui est sa vie, il ne pourra jamais s’élever plus haut que cet acte, qui a fait de lui un être humain par l’amour ; il ne pourra que le reproduire ; — toute la vie, d’ailleurs, n’est autre chose qu’une incessante réitération des mêmes phénomènes vitaux, répétés dans leur diversité, et c’est cette réitération qui explique toute la nature de l’amour et qui fait, en somme, qu’il ressemble au mouvement de la mer, qui monte et descend, change sans cesse et ne s’arrête que pour recommencer de nouveau. Aussi est-ce une lamentable erreur de considérer comme une faiblesse de l’amour ce pouvoir qu’il a de se réitérer toujours, de se renouveler incessamment, et d’y opposer l’amour idéal, simple abstraction de l’amour véritable, ou cet autre amour pour un Tout insaisissable, — qu’on voudrait nous faire accepter comme le seul amour sincère et durable. Déjà, cette durée indéfinie qu’on lui suppose prouve l’irréalité de l’amour idéal. « Eternel », dans le sens propre du mot,