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Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/54

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l’incroyable ineptie que montra cet homme, lorsqu’arrivé au but de ses aspirations dominatrices, il se trouva complètement inconscient de son rôle, ne sachant que faire du pouvoir conquis par lui. Il devient tragique, parce qu’il doit s’avouer cette nullité et qu’il succombe à l’incapacité de faire quoi que ce soit pour le bonheur de l’humanité. Aussi suis-je d’avis qu’avec lui, c’est justement le contraire de ce que tu penses qui est la vérité : il n’avait aucun but supérieur, en vue duquel il aurait pu avoir recours à de mauvais moyens ; c’est juste- ment parce qu’il n’avait rien en lui, parce qu’il voulait masquer sa pauvreté, qu’il eut recours à l’abominable guillotine ; car il est prouvé que la « Terreur » fut employée comme système de gouvernement et instrument de domination sans aucune passion, simplement par politique, — c’est-à-dire pour des motifs étroits, d’ambition personnelle. En somme, ce très pauvre sire, — qui n’eut d’autre ressource à la fin que d’exhiber sa très vulgaire « vertu », — a pris les moyens pour le but, et c’est ainsi qu’il en va avec la plupart de ces héros politiques qui périssent de leur propre incapacité, si lamentablement que bientôt, espérons-le, leur engeance aura disparu complètement de l’histoire. — En revanche, je maintiens que mon Lohengrin (du moins, tel que je le conçois) exprime la plus tragique situation du temps présent, c’est-à-dire l’aspiration à quitter les plus hautes régions de l’intelligence pour les profondeurs de l’amour,