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Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/56

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je fais dire maintenant à Erda : « Tout ce qui est doit finir; un jour sombre se lève pour les dieux : je te le conseille, quitte l’anneau ! (1) » Nous devons apprendre à mourir, à mourir dans le sens le plus étendu du mot : la peur de la fin est la source de toute insensibilité (2) : l’égoïsme apparait là où l’amour même commence à pâlir. Comment s’est-il fait que ce sentiment, le suprême délice de tout être vivant, ait fui si loin de la race humaine que tout ce que celle-ci entreprend, ce qu’elle organise et fonde, émane de cette terreur de la Fin? Mon poème le montre. Il montre la nature dans sa vérité non fardée, avec toutes ses contradictions, la nature qui, dans l’infinie diversité de ses mouvements, comprend également les éléments qui se repoussent les uns les autres. Ce n’est pas le refus qu’Alberich essuie de la part des filles du Rhin, — ce refus était tout naturel, — qui est l’origine décisive du Malheur; Alberich et son anneau n’auraient pu nuire aux dieux, si ceux-ci n’avaient été auparavant accessibles au Mal. Où donc est la source du Malheur ? Relis la première scène entre Wodan (3) et Fricka, — qui se continue jusqu’à la

(1) Allusion à la scène IV de l’Or du Rhin, entre Erda et Wotan. (2) Lieblosigkeit, absence d’amour, insensibilité, cruauté, égoïsme. (3) J’ai cru devoir respecter l’orthographe de ce nom qui est devenu Wotan dans la version définitive.