Aller au contenu

Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 53 —

scène du deuxième acte de la Walkyrie. La volonté de prolonger au delà du changement nécessaire le lien sacré qui les unit tous les deux par suite d'une erreur involontaire de l'amour, leur résistance à l'éternelle rénovation et à la variabilité du monde des apparences, — voilà ce qui conduit les deux conjoints jusqu'à la torture d'une mutuelle absence d'amour. La suite de tout le poème développe la nécessité de se soumettre et de céder au changement, à la variabilité, à la multiplicité, à l'éternel renouveau de la nature et de la vie. Wodan s'élève jusqu'à cette hauteur tragique de « vou- loir » son anéantissement. C'est là tout l'enseignement que nous pouvons tirer de l'histoire de l'humanité : vouloir ce qui est inévitable et l'accomplir nous-mêmes. L'œuvre créatrice de cette volonté suprême de s'anéantir soi-même, c'est la conquête de l'homme sans crainte et toujours aimant : Siegfried. — Voilà tout. — Dans le détail, au drame se mêle la puissance malfaisante, empoisonneuse de l'amour : l'or ravi à la nature et mal employé, l'anneau du Nibelung; la malédiction qui s'attache à lui n'est effacée que lorsqu'il est restitué à la nature, lorsqu'il s'engloutit dans les flots du Rhin. Wodan lui-même ne reconnaît cela que tout à la fin, à l'extrême limite de sa carrière tragique : ce que Logue, tout au début, lui avait dit et répété avec émotion, le dieu dévoré d'ambition n'avait pas voulu l'écouter; tout d'abord, il apprend, — par le meurtre de Fafner, — à