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Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/58

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connaître la puissance de la malédiction ; mais c’est seulement quand l’anneau anéantit aussi Siegfried qu’il comprend que la restitution de l’or peut seule arrêter le mal, et c’est pourquoi il fait dépendre sa propre fin, qu’il désire, de l’expiation d’une faute originaire. L’expérience est tout. Siegfried lui-même (l’homme isolé) n’est pas « l’être humain » complet; il n’est qu’une moitié, ce n’est qu’avec Brunnhilde qu’il devient le Rédempteur ; un seul ne peut rien ; il faut être plusieurs, et la femme qui se sacrifie devient, à la fin, la véritable rédemptrice consciente : car l’amour c’est, en somme, « l’éter- nel féminin » même. — Voilà pour les grands traits généraux, ils contiennent tous les autres traits de détail, plus précis. Je ne puis m’imaginer que tu aies compris le poème autrement qu’en ce sens ; seulement, il me semble que tu as attaché aux anneaux moyens et intermédiaires de la grande chaîne plus d’importance qu’ils n’en ont par eux-mêmes; comme si tu avais en cela obéi à une nécessité, pour justifier, au moyen de mon poème, une thèse à toi, préconçue. En général, tu ne m’as pas touché avec certaines de tes observations à propos du manque de clarté. Je crois, au contraire, que je me suis gardé avec une assez grande justesse d’instinct du désir de trop expliquer, car, à mon sens, il est évident qu’une trop apparente manifestation des intentions trouble au lieu d’aider la compréhension ; l’important dans le drame, — comme en général dans