Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/63

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alors tu éprouveras tout à fait d’après mon sentiment et tu reconnaîtras la puissance de la malédiction du Nibelung en ce qu’elle a de plus terrible et de plus tragique ; alors aussi, tu te rendras compte de la nécessité de tout le dernier drame, « la mort de Siegfried ». C’est ce qu’il fallait que nous vissions pour comprendre les détresses causées par l’or. Pourquoi Brunnhilde cède si vite à Siegfried, masqué? Parce que celui-ci lui arrache l’anneau, qui était sa seule force. En général, toute l’horreur, tout ce qu’il y a de démoniaque dans cette scène, t’a complètement échappé : à travers le feu, que Siegfried, seul, — elle le savait et l’a éprouvé, — devait pouvoir vaincre, un « autre », — sans difficulté, — arrive à elle : tout s’effondre aux pieds de Brunnhilde, tout se disjoint; dans un combat terrible, elle est domptée, elle « est abandonnée de Dieu ». Et, de plus, c’est Siegfried en personne qui lui ordonne de partager sa couche, — Siegfried, qu’inconsciemment — (ce qui la trouble davantage) — elle reconnaît presque, — malgré son déguisement, à l’éclat de son œil. (Tu sens, qu’il se passe ici une chose qui « ne peut s’exprimer » et tu as grand tort de m’interpeller pour que je parle!) Mais voilà que je me suis étendu extraordinairement, en long et large : je le craignais et c’est ce qui a toujours retardé ma lettre. J’ai été terrifié de ce que tu avais pu mal comprendre aussi totalement certains traits.