Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/11

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— III —

téressant à observer dans la vie de l’artiste que son génie, ses créations sont justement ce qui offre au monde sa propre image, et l’élève à la conscience de lui-même. Mais dans l’artiste même, l’énergie créatrice est de sa nature spontanée, instinctive ; et là même où il a besoin d’étude pour s’approprier la technique nécessaire à la réalisation, sous les formes de l’art, des types qu’enfante sa pensée, le choix définitif des moyens d’expression ne suppose pas la réflexion ; il est déterminé bien plutôt par une tendance spontanée, et cette tendance constitue précisément, chez l’artiste, le caractère de son génie particulier. Une réflexion soutenue ne commence à lui devenir une nécessité qu’au moment où il se heurte contre quelque grave obstacle dans l’application des moyens qui lui sont nécessaires pour exprimer ses idées ; je veux dire lorsque les moyens de réaliser ses conceptions lui sont plus difficiles à réunir, ou lui manquent tout à fait. Ce dernier cas est celui où risque de se trouver, plus que tout autre, l’artiste qui a besoin pour réaliser ses conceptions non-seulement d’organes inanimés, mais d’un ensemble de forces artistiques vivantes. Le poète dramatique a besoin, dans la plus rigoureuse acception du mot, de cet ensemble pour donner à son œuvre une expression intelligible : il est forcé d’avoir recours au théâtre, et le théâtre, comme ensemble des arts de représentation, soumis à des lois particulières, constitue lui-même une branche spéciale de l’art. Avant tout, le poète dramatique, en abordant le théâtre, trouve en lui un élément de l’art déjà constitué ; il est tenu de se fondre avec lui, avec les lois particu-