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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/16

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— VIII —

cule. Ou bien c’étaient des opéras français, dont l’effet reposait sur une déclamation pathétique de phrases de rhétorique soigneusement notées, qu’on représentait dans des traductions fabriquées à la hâte et à vil prix par des manœuvres littéraires, presque toujours sans aucun égard à la liaison des phrases déclamées avec la musique, et avec des fautes de prosodie à faire dresser les cheveux sur la tête. Cette unique circonstance eût suffi pour empêcher la diction d’atteindre jamais à un bon style, et pour rendre public et chanteurs également indifférents au texte. De là, comme résultat, toutes sortes d’imperfections. Nulle part un théâtre modèle d’opéra, un théâtre mené dans une direction intelligente, un théâtre qui donnât le ton ; une éducation défectueuse des voix mêmes, quand il s’en rencontrait, ou bien l’absence de toute éducation, et partout dans l’art l’anarchie.

Vous sentez que pour le musicien véritable et sérieux, ce théâtre d’opéra n’existait pas, à vrai dire. Si un penchant décidé, si l’éducation le tournaient vers le théâtre, il préférait nécessairement écrire des opéras en Italie pour les Italiens, en France pour les Français ; et tandis que Mozart et Gluck composaient des opéras italiens et français, la musique vraiment nationale se développait en Allemagne sur de tout autres principes que ceux de l’opéra. Bien loin de l’opéra, entée sur cette branche de la musique que les Italiens délaissèrent tout d’un coup à la naissance de l’opéra, la musique proprement dite se développait en Allemagne, depuis Bach jusqu’à Beethoven ; elle atteignait cette hauteur, cette merveilleuse richesse,