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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/36

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toute la musique antique, qui, attachés originairement au culte païen, et perpétués dans le peuple, furent conservés par les premières communautés chrétiennes, et appliqués par elles aux cérémonies du culte nouveau à mesure qu’il se formait. La gravité de ce culte, qui proscrivait absolument la danse comme chose profane et impie, dut faire disparaître ce que la mélodie antique avait pour caractère essentiel, la vivacité et la variété extrême du rhythme ; et l’on vit s’y substituer dans la mélodie le rhythme dépourvu de toute espèce d’accent, qui caractérise le choral encore usité de nos jours dans les églises. En perdant la mobilité rhythmique, cette mélodie perdait aussi son motif particulier d’expression ; dès qu’on lui enlevait cet ornement du rhythme, on la dépouillait presque de toute puissance expressive, comme il est aisé de s’en convaincre pour peu qu’on l’imagine destituée encore de l’harmonie qui s’y trouve jointe aujourd’hui. Pour relever l’expression mélodique d’une manière conforme à l’esprit chrétien, on fut conduit à inventer l’harmonie polyphone sur le principe de l’accord à quatre voix : cet accord, par son alternation caractéristique, servait désormais de motif à l’expression mélodique comme l’avait fait le rhylhme autrefois. À quelle admirable profondeur d’expression, qu’on n’avait jusque-là jamais soupçonnée, ce moyen porta la phrase mélodique, nous le voyons avec un ravissement toujours nouveau dans les chefs-d’œuvre vraiment incomparables de la musique d’église italienne. Les différentes voix, uniquement destinées à faire entendre à l’oreille l’accord harmonique fondamental avec la note de la mé-