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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/37

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— XXIX —

lodie, recevaient enfin elles-mêmes un développement progressif, plein de liberté et d’expression ; à l’aide de ce qu’on appelle l’art du contre-point, chacune des voix, soumises à la mélodie proprement dite, qu’on appelait canto fermo, put se mouvoir avec une expression indépendante, et cela engendra, dans les œuvres des maîtres, les plus consacrés, un chant d’église dont l’exécution produisait sur l’âme un effet si merveilleux, si profond que nul autre ne saurait lui être comparable.

La décadence de cet art en Italie, et le perfectionnement par les Italiens de la mélodie d’opéra, sont deux faits connexes, que je ne puis appeler qu’un retour au paganisme. Tandis que l’Église déclinait, il se développait chez les Italiens un goût vif pour les applications profanes de la musique ; on recourut au moyen le plus aisé, ce fut de rendre à la mélodie sa propriété rhythmique particulière et de l’appliquer au chant tout comme on l’avait fait autrefois à la danse. Il y avait entre le vers moderne qui s’était formé en harmonie avec la mélodie chrétienne, et la mélodie dansante qu’on lui associait, des incompatibilités étonnantes ; mais je ne veux pas m’y arrêter, et je tiens seulement à vous faire remarquer que cette mélodie et ce vers étaient presque complètement indifférents l’un à l’autre, et que le mouvement de la mélodie, capable de toutes les variations, dépendait en définitive presque uniquement de la volonté du virtuose. Mais une chose surtout nous détermine à signaler la création de cette mélodie comme un pas rétrograde et non comme un progrès ; c’est qu’elle ne sut tirer aucun parti de ce que la musique chrétienne avait inventé et