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dont l’importance immense est incontestable, l’harmonie et la polyphonie qui en est le corps. Sur une base harmonique si misérable qu’on peut à son gré la priver de tout accompagnement, la mélodie italienne d’opéra s’est aussi contentée, quant à l’agencement et à la liaison de ses parties, d’une structure des périodes si pauvre que le musicien cultivé de notre temps ne peut rencontrer sans un triste étonnement cette forme indigente et presque enfantine de l’art, dont les étroites limites condamnent le compositeur de génie lui-même, qui embrasse cet art, à une immobilité absolue.

Le même besoin de séculariser la musique d’église se manifesta en Allemagne ; il conduisit à des résultats d’une importance toute nouvelle. Les maîtres allemands revinrent aussi à la mélodie rhythmique primitive, telle qu’elle s’était perpétuée sans interruption dans le peuple sous forme d’airs de danse nationaux. Mais au lieu de renoncer à la riche harmonie de la musique chrétienne, ces maîtres cherchèrent au contraire à donner à l’harmonie une perfection nouvelle en l’associant à la mélodie rhythmique d’un mouvement très-vif ; ils s’efforcèrent de parvenir à combiner étroitement le rhythme et l’harmonie dans l’expression mélodique. De cette manière non-seulement la polyphonie conserva sa liberté de mouvement, mais elle fut portée à un degré de perfection tel que chacune des voix put, grâce à l’art du contre-point, contribuer avec indépendance à rendre la mélodie rhythmique, et il en résulta que la mélodie ne se fit plus entendre, comme au début, dans le canto fermo, mais dans chacune des voix concertantes. De là dans le chant