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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/68

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forme primitive, et l’on pourrait parfaitement danser accompagné par elle. On dirait qu’un instinct puissant a contraint le compositeur à toucher une fois au moins directement, dans le cours de son œuvre, le principe sur lequel elle repose, à peu près comme on tâte avec le pied le bain où l’on doit se jeter. Il va dans les autres périodes s’éloignant de plus en plus de la forme qui permettrait d’exécuter, avec sa musique, une danse réelle ; il faudrait du moins que ce fût une danse si idéale qu’elle serait à la danse primitive ce que la symphonie est à la mélodie dansante originelle. De là l’espèce de crainte où tombe le compositeur de dépasser certaines limites de l’expression musicale : par exemple de porter trop haut la tendance passionnée et tragique, car il éveillerait par là des émotions et une attente qui ne pourraient que faire naître dans l’auditeur la question importune du « Pourquoi ? » Or, c’est une question à laquelle le musicien n’est pas en mesure de faire une réponse satisfaisante.

Eh bien ! cette danse rigoureusement correspondante à sa musique, cette forme idéale de la danse est en réalité l’action dramatique. Son rapport à la danse primitive est exactement celui de la symphonie à la simple mélodie dansante. Déjà la danse populaire originelle exprime une action, presque toujours les péripéties d’une histoire d’amour ; cette danse simple et qui relève de relations les plus matérielles, conçue dans son plus riche développement et portée jusqu’à la manifestation des mouvements de l’âme les plus intimes, n’est autre chose que l’action dramatique. Que cette action ne soit pas