Page:Wagner - Quinze Lettres, 1894, trad. Staps.djvu/129

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Amie !

Deux mots pour votre orientation ! Vous connaissez ma réponse[1] : la voici de nouveau. Elle contient une inexactitude : mes rapports avec le roi y sont représentés avec restriction. Pour mon repos, je désirerais ardemment qu’il en fût ainsi. La fatale et étrangement profonde sympathie du roi pour moi… Si, pour mon repos, je renonçais aux droits qu’elle me donne, je ne comprends pas comment, vis-à-vis de mon cœur et de ma conscience, je pourrais me soustraire aux devoirs qu’elle m’impose. Vous devinez que ce ne sont que des hommes de paille qu’on lâche ainsi sur moi ; cela ne signifie rien et la calomnie en est déjà arrivée à jouer un jeu désespéré. Mais les instigateurs !… Je frémis, si ne songeant qu’à mon repos, je me retire dans les limites jugées nécessaires, de l’abandonner… à son entourage ! —

J’ai peur au plus profond de l’âme et je demande à mon démon : Pourquoi ce calice ? — Pourquoi, là où je cherchais le repos et de paisibles loisirs pour le travail, être pris comme dans un rets dans une responsabilité qui met entre mes mains le salut d’un homme divinement doué et peut-être le bien d’un pays ? — Comment sauver mon cœur ici ? Comment alors être encore artiste ? — Il lui manque tout homme qui lui serait nécessaire ! Voilà, voilà ce qui m’obsède et me serre le cœur.

  1. Voir dans l’Allgemeine Zeitung du 20 février 1865, l’article écrit par Richard Wagner lui-même : Richard Wagner et l’opinion publique.